The reintegration of return migrants: new dynamics in the development of migration capital†
Ram Christophe Sawadogo, Université de Ouagadougou
Comme par ironie de l’histoire, alors que la puissance coloniale venait d’ériger l’ensemble des peuples de l’espace « mossi » en entité autonome par l’acte de création de la colonie de Haute-Volta le 1er mars 1919, moins d’une semaine après cette date et cet acte, la même puissance coloniale exigeait le départ d’un contingent de main d’œuvre à destination de la colonie de Côte d’Ivoire. Mieux : l’administrateur colonial de la Haute-Volta dut se faire des rappels à l’ordre pour nécessairement donner une suite positive à cette requête d’un planteur de la Côte d’Ivoire ! (Sawadogo, 2009). C’est dire toute l’ambigüité qui, dès sa naissance, marquera l’identité réelle de cette colonie, à telle enseigne qu’un auteur a pu soutenir la réalité, parmi les forces politiques métropolitaines, d’un « refus de la Haute-Volta » (Morabito, 2002). Dans cette situation, les aléas de la production vivrière des campagnes agricoles des années 1925 à 1931 (bien que la situation fut inversée en 1932-1933) et les effets de la crise économique des années 1930 constitueront le bel alibi pour purement et simplement supprimer la colonie de Haute-Volta et la répartir entre ses trois voisines que sont la Côte d’Ivoire, le Soudan Français (actuel Mali) et le Niger. Ce faisant, la puissance coloniale aura parachevé, dans la mentalité des populations voltaïques, la construction de l’image que leur patrie est économiquement non viable, qu’ils ne peuvent s’assurer les conditions d’une vie décente à partir de cet espace national et que leur seule possibilité d’accès à une telle vie réside dans l’expatriation de leur force de travail. Ainsi, bien que réalisé dans le cadre de la loi du travail forcé qui prévalut dans les territoires des colonies françaises jusqu’à la suppression de celle-ci en 1946, ces émigrations furent impudiquement qualifiées de « volontaires » par la puissance coloniale et retenues comme telles par plusieurs auteurs (Bredeloup). Sous ce regard, les retours brusques et massifs de Burkinabè de la Côte d’Ivoire, depuis les expulsions de Tabou (1999) à celles de 2002 et des années suivantes, auront, par le fait d’une mise en situation difficile, constitué le point de départ d’un déclic : celui de se convaincre qu’en acceptant de se battre comme on l’a fait dans les pays d’émigration, l’on peut se reconstituer une autre vie acceptable. C’est ainsi que la présente étude évoquera brièvement, à titre illustratif, les réalisations sociales et économiques de groupes d’expulsés et de rapatriés : - le regroupement de femmes rapatriées de Côte d’Ivoire et le transfert de technologies et d’innovations alimentaires, les auto-emplois générés à leur niveau et la reprise de cette dynamique d’auto-emploi par d’autres acteurs et actrices non émigrés, - la part prise par d’autres migrants de retour, dans certaines régions du Sahel, vecteurs de changements dans les innovations agricoles (semences sélectionnées, fertilisation des sols, mouvements associatifs), dans les activités de productions agricoles de contre-saison, les actions en faveur de la conservation de l’environnement (fertilisation du sol, plantation d’arbres et leur entretien, etc.) - la création, dans les centres urbains, par les rapatriés et les expulsés de Côte d’Ivoire, de petites et moyennes entreprises et la mise à contribution des compétences de cadres moyens et supérieurs composant cette diaspora dans divers secteurs d’activités de la vie nationale, qui contribuent à insuffler une nouvelle éthique de travail et un nouvel esprit d’investissement productif dans l’entreprenariat burkinabè - etc. Ces réalisations, au-delà de la satisfaction de besoins individuels et de groupes qu’elles apportent, témoignent de la contribution de la diaspora à la construction de la patrie. Elles se réalisent à partir de ce concept central de capital migratoire, dans ses diverses composantes de connaissances, de savoirs techniques, de moyens matériels et financiers, de savoir-être et de savoir-faire. Ce capital migratoire constitue une source de dynamiques nouvelles à la base de changements sociétaux qui prennent naissance dans les sociétés burkianbè et qu’il convient de repérer et d’analyser. Les données de base de la présente communication proviennent d’une série d’études de suivi des expulsés et des rapatriés menées dans les années 2000 (Tabou) et 2003 à 2007 dans les provinces dont certaines sont frontalières avec la Côte d’Ivoire et d’autres, des régions de réinstallations de flux importants d’expulsés et de rapatriés, enfin d’enquêtes récentes auprès de certains groupes de la diaspora (associations de femmes rapatriées de Côte d’Ivoire, association de solidarité et de l’intégration régionale, etc.
Presented in Session 3: Burkina Day: Migration